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Emmanuel Guillerme


Ingénieur-géologue diplômé de l’ENSG Nancy
Docteur diplômé de l’Université Lyon 1 Claude Bernard
Qualifié aux fonctions de Maître de conférences

"Emmanuel a fait sa thèse entre mon laboratoire, Institut Lumière Matière, et le Laboratoire de Géologie de Lyon où il était co-encadré par Véronique Gardien. Son premier article en tant que premier auteur a été accepté dans Geostandards and Geoanalytical Research..."
Frédéric Caupin, Université Lyon 1 Claude Bernard




THESE

Turning Halite Fluid Inclusions into Accurate Paleothermometers with Brillouin Spectroscopy : Development of a New Method and Application to the Last Interglacial in the Dead Sea.

Résumé

La détermination des températures continentales passées est un aspect essentiel des reconstructions paléoclimatiques, car les continents sont plus sensibles que les océans aux variations du climat. Des changements globaux modestes peuvent provoquer un réarrangement de la circulation atmosphérique et donc induire d’importantes réorganisations de la répartition régionale des flux de chaleur et d’humidité. Par conséquent, dans la perspective d’une meilleure compréhension du climat continental, il est nécessaire d’étudier un grand nombre d’archives climatiques présentant une distribution spatiale dense. Malheureusement, contrairement aux domaines océanique et polaire, la plupart des masses continentales manquent de telles archives. Les dépôts continus sont rares et les outils utilisés par les paléoclimatologues pour les déchiffrer ont tous leurs propres biais, qui sont généralement contournés au moyen d’une approche multi-proxy. Une telle approche nécessite la disponibilité de plusieurs proxies. Cependant, un simple coup d’oeil sur la carte de localisation des registres de températures utilisés pour la célèbre synthèse des températures de l’Holocène par Marcott et al. (2013) nous rappelle que les proxies applicables au domaine continental font cruellement défaut. Les environnements arides en particulier, où la rareté de l’eau empêche les potentielles archives organiques de se développer et de se déposer, ne présentent pour ainsi dire aucune pierre de Rosette permettant de déchiffrer les fluctuations passées des températures. En gardant cela à l’esprit, les inclusions fluides(IFs) de halite se sont révélées très prometteuses lorsque Roberts and Spencer (1995) ont montré pour la première fois leur potentiel d’enregistrement de la température passée des lacs salés en appliquant la méthode microthermométrique. En effet, ces micro-gouttelettes de solution-mère emprisonnées dans des cavités au sein des cristaux de sel conservent leur densité initiale, et donc la température de piégeage, tout comme la densité du mercure indique la température ambiante dans un thermomètre classique. Cependant, Lowenstein et al. (1998) ont montré que les IFs étaient endommagées au cours de l’étape requise de nucléation de phase vapeur dans le congélateur. Depuis lors, les études paléoclimatiques utilisant des IFs de halite ont été peu nombreuses. Au cours de cette thèse, nous avons développé une nouvelle méthodologie, basée sur la spectroscopie Brillouin (BS), permettant de contourner les limites de la microthermométrie. Cette technique, basée sur la mesure de l’interaction inélastique entre la lumière et les fluctuations thermodynamiques dans le fluide pour en déduire la vitesse du son, permet de déterminer la densité des IFs, et donc leur température de piégeage. Cette approche non destructive ne nécessite pas la nucléation préalable d’une bulle, et évite donc de soumettre des échantillons à des écarts de température importants. Dans la mesure où notre méthode garde les IFs intactes, nous avons restauré leur potentiel en tant que paléothermomètre. Nous montrons que la BS sur les IFs de halite révèle la température de piégeage au degré Celsius près.

En réalisant des tests de résistance mécanique par spectroscopie Brillouin, nous avons pu mesurer la température empirique au-delà de laquelle les IFs se détériorent, ce qui nous a permis de proposer une équation empirique de l’endommagement des IFs en fonction de leur taille et de la température, laquelle sert de cordon de sécurité dans la perspective de mesurer des paléotempératures non biaisées. Pour permettre le calcul de la limite de sécurité pour une large gamme de compositions d’IFs, nous avons développé un modèle qui s’applique au système Na-K-Mg-Ca-H2O. Le modèle, basé sur le formalisme de Pitzer et le principe d’additivité des mélanges de Young, calcule la densité des solutions multi-électrolytes en fonction de la température, de la pression et de la salinité. En prédisant la réponse mécanique élastique du cristal hôte aux changements de densité de l’IF, le modèle calcule ensuite la pression interne de l’inclusion. Connaissant la pression à l’intérieur de l’IF, on peut alors prédire la température à laquelle elle risque l’endommagement. À l’avenir, l’extension du modèle à SO4 et à (H)CO3 permettra de déterminer la pression pour tous les principaux types de compositions d’IF de halite.

Pour illustrer l’efficience de la thermométrie Brillouin, nous avons échantillonné plusieurs dizaines d’intervalles de halite dans la longue carotte 5017-1 (450m de long) forée en 2010-2011 dans la partie la plus profonde de la Mer Morte, en Palestine, dans le cadre du projet Dead Sea Deep Drilling Project (DSDDP, un projet du International Continental Scientific Drilling Program). L’application de la thermométrie Brillouin à cet enregistrement fournit une quantification unique des changements de température dans cette région au cours du dernier interglaciaire (LIG, il y a ~135000 à 115000 ans). De plus, nous montrons que la spectroscopie Brillouin permet dans le même temps de quantifier le niveau de la mer Morte et son évolution. En utilisant la courbe reconstituée de niveau du lac pour quantifier les paléo-précipitations, nous proposons donc une reconstruction complète températures-précipitations qui nous permet de définir un récit radicalement nouveau du climat de la région au cours de cette période. Nous montrons que les températures hivernales au cours du LIG étaient généralement inférieures à celles d’aujourd’hui et que les précipitations étaient beaucoup plus élevées, quoique sur une tendance baissière. En opposition aux estimations précédentes, la région n’a jamais connu de sécheresse extrême et n’a atteint des conditions aussi sèches qu’aujourd’hui qu’en fin de période. Les liens clairs qui se dégagent d’avec la Méditerranée et l’Atlantique, ainsi que les tendances climatiques clairement observées, nous amènent à suggérer un forçage orbital majeur de la circulation atmosphérique dans cette partie du globe. L’exemple de la mer Morte montre que la spectroscopie Brillouin sur les IFs de halite est en mesure de fournir des données précieuses pour tester l’efficacité des modèles climatiques.

Mots clés

Inclusions fluides, halite, paléothermomètre, spectroscopie Brillouin, Mer Morte, dernier interglaciaire.

Directeur de thèse H2O'Lyon

Frédéric Caupin, Université Lyon 1 Claude Bernard

Co-directeur de thèse

Véronique Gardien, Université Lyon1 Claude Bernard

Ecole doctorale

ED Phast

Unité d'accueil

LGL-TPE (UMR 5276) et ILM (UMR 5306)

Date de soutenance

6 décembre 2019

Langue de soutenance

Anglais

Membres du jury de thèse

David Hodell, University of Cambridge
Tim Lowenstein, Binghamton University
Mouna El Mekki Azouzi, Université de Bizerte
Ina Neugebauer, GFZ Potsdam
Christophe Lécuyer, Université Lyon 1 Claude Bernard
Véronique Gardien, Université Lyon 1 Claude Bernard
Frédéric Caupin, Université Lyon 1 Claude Bernard